Concentrations: la Commission Européenne ouvre une enquête approfondie sur le projet de rachat d’Arm par NVIDIA
Concentrations: la Commission Européenne ouvre une enquête approfondie sur le projet de rachat d’Arm par NVIDIA

La Commission a ouvert une enquête approfondie afin d’examiner le projet d’acquisition d’Arm par NVIDIA au regard du règlement de l’UE sur les concentrations. La Commission craint que l’entité issue de la concentration soit en mesure de, et soit incitée à restreindre l’accès des concurrents de NVIDIA à la technologie d’Arm, et que le projet de rachat entraîne une hausse des prix, une diminution du choix et une réduction de l’innovation dans le secteur des semi-conducteurs.
Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, s’est exprimée en ces termes: «Les semi-conducteurs sont partout dans les produits et appareils que nous utilisons au quotidien, ainsi que dans les infrastructures telles que les centres de données. Même si Arm et NVIDIA ne sont pas en concurrence directe, la PI d’Arm est un intrant important dans les produits concurrents de ceux de NVIDIA, par exemple dans les centres de données, l’automobile et l’internet des objets. Notre analyse montre que l’acquisition d’Arm par NVIDIA pourrait entraîner une restriction ou une dégradation de l’accès à la PI d’Arm, ce qui aurait des effets de distorsion sur de nombreux marchés où les semi-conducteurs sont utilisés. Notre enquête vise à garantir que les entreprises exerçant leurs activités en Europe continuent d’avoir un accès effectif aux technologies nécessaires pour fabriquer des produits semi-conducteurs à la pointe du progrès à des prix concurrentiels.»
NVIDIA développe et fournit des processeurs pour diverses applications, notamment les centres de données, l’internet des objets («IdO»), les applications automobiles et les jeux. Arm concède des licences de propriété intellectuelle («PI») pour des unités de traitement, en particulier aux fabricants de semi-conducteurs et aux développeurs de systèmes sur puces «SoC»). En acquérant Arm, NVIDIA aurait le contrôle absolu sur les activités de technologie et de licence d’Arm.
Craintes en matière de concurrence exprimées par la Commission à titre préliminaire
À l’issue de son enquête préliminaire, la Commission considère qu’Arm dispose d’un pouvoir important sur le marché de la concession de licences sur la PI des unités centrales de traitement (CPU) utilisées dans les processeurs. En conséquence, la Commission craint que l’entité issue de la concentration soit en mesure de restreindre ou de dégrader l’accès des fournisseurs de processeurs potentiellement concurrents de NVIDIA à la technologie d’Arm. Il ressort de l’enquête préliminaire que l’entité issue de la concentration aurait également une incitation économique à se livrer à des stratégies de verrouillage susceptibles de réduire la concurrence sur le marché de la fourniture de processeurs dans divers domaines d’application:
- les CPU pour centres de données;
- les contrôleurs d’interface réseau intelligents («SmartNICs») utilisés dans les centres de données pour alléger la charge liée au réseau, au stockage et à la sécurité qui pèse sur la CPU afin de réduire sa charge de travail et d’accélérer le traitement;
- les semi-conducteurs utilisés pour les systèmes d’aide à la conduite avancés, qui englobent toute une série de dispositifs techniques permettant aux véhicules d’aider le conducteur;
- les semi-conducteurs utilisés dans les applications d’infodivertissement, qui englobent les dispositifs d’information et de divertissement embarqués pour les conducteurs et les passagers et comprennent divers dispositifs, comme des lecteurs audio et vidéo, des systèmes de navigation automobile, la connectivité USB et Bluetooth, l’accès à l’internet et le Wi-Fi;
- les SoC dont sont dotés les appareils IdO à haute performance;
- les SoC utilisés dans les consoles de jeux;
- les SoC utilisés dans les PC universels.
La Commission va à présent procéder à une enquête approfondie portant sur les effets de l’opération, afin de déterminer si ses craintes initiales en matière de concurrence concernant ces marchés sont confirmées.
La Commission va en outre examiner:
- si l’opération pourrait freiner l’innovation du fait que les preneurs de licences d’Arm pourraient être réticents à continuer de partager des informations commercialement sensibles avec l’entité issue de la concentration, parce qu’ils sont en concurrence avec NVIDIA;
- le possible recentrage des dépenses de R&D d’Arm sur les produits les plus rentables pour NVIDIA en aval, au détriment des acteurs qui dépendent fortement de certaines licences PI d’Arm dans d’autres domaines.
Au cours de l’enquête initiale, la Commission a coopéré étroitement avec les autorités de concurrence du monde entier. Elle poursuivra également cette coopération au cours de l’enquête approfondie.
L’opération envisagée a été notifiée à la Commission le 8 septembre 2021. Le 6 octobre 2021, NVIDIA a présenté des engagements visant à remédier à certains problèmes relevés à titre préliminaire par la Commission. Toutefois, la Commission a estimé ces engagements étaient insuffisants pour dissiper clairement ses doutes sérieux quant aux effets de l’opération. Elle n’a dès lors pas consulté les acteurs du marché à leur sujet.
La Commission dispose à présent de 90 jours ouvrables, soit jusqu’au 15 mars 2022, pour prendre une décision. L’ouverture d’une enquête approfondie ne préjuge pas de l’issue de la procédure.
Sociétés et produits
NVIDIA, qui a son siège aux États-Unis, a inventé l’unité de traitement graphique («GPU») en 1999. Elle est spécialisée dans les marchés où l’informatique visuelle basée sur des GPU et des plateformes de calcul accéléré peuvent fournir une capacité renforcée pour les applications. Les produits de NVIDIA couvrent des domaines comme le jeu, la visualisation professionnelle, les centres de données et l’automobile. Depuis son acquisition de Mellanox, autorisée par la Commission en décembre 2019 et achevée en avril 2020, NVIDIA fournit également des produits et des solutions d’interconnexion de réseau.
Arm, dont le siège est situé au Royaume-Uni, est détenue et contrôlée par SoftBank Group Corp., une holding multinationale japonaise qui détient des parts dans plusieurs entreprises technologiques, énergétiques et financières et gère Vision Fund, le plus grand fonds de capital-risque axé sur la technologie au monde. Arm conçoit des semi-conducteurs et des solutions logicielles. Elle concède des licences sur les architectures essentielles et la propriété intellectuelle pour les unités de traitement, notamment aux fabricants de semi-conducteurs et aux développeurs de SoC qui intègrent la technologie dans leurs propres puces. L’activité principale d’Arm est la conception de la PI pour les CPU destinées aux appareils mobiles, aux appareils intégrés, aux centres de données et aux applications automobiles, entre autres.
Contrôle et procédures en matière de concentrations
La Commission a pour mission d’apprécier les fusions et les acquisitions entre entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse certains seuils (voir l’article 1er du règlement sur les concentrations) et d’empêcher les concentrations qui entraveraient de manière significative l’exercice d’une concurrence effective dans l’EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
La grande majorité des concentrations notifiées ne posent pas de problème de concurrence et sont autorisées après un examen de routine. À partir de la date de notification d’une opération, la Commission dispose en général d’un délai de 25 jours ouvrables pour décider d’autoriser cette opération (phase I) ou d’ouvrir une enquête approfondie (phase II).
Outre celle portant sur la présente opération, six enquêtes de phase II sont en cours: le projet de rachat de Kustomer par Facebook, le projet de rachat de Grail par Illumina, le projet de concentration entre Cargotech et Konecranes, le projet de rachat d’Air Europa par IAG, le projet de rachat de Trimo par Kingspan Group et le projet de rachat de DSME par HHiH.
Des informations plus détaillées seront disponibles sur le site web de la DG Concurrence, dans le registre public des affaires de concurrence de la Commission, sous le numéro M.9987.
https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_21_5624