Une équipe de recherche japonaise progresse dans le développement d’un médicament révolutionnaire qui pourrait permettre aux gens de faire pousser de nouvelles dents, les essais cliniques devant commencer en juillet 2024.
Le médicament pour la repousse des dents est destiné aux personnes qui n’ont pas toutes leurs dents d’adulte en raison de facteurs congénitaux. L’équipe vise à ce qu’il soit prêt pour une utilisation générale en 2030.
Katsu Takahashi, chef du département de dentisterie et de chirurgie buccale de l’Institut de recherche médicale de l’hôpital Kitano, dans le quartier Kita de la ville d’Osaka, le 16 mai 2023.
Lors d’expériences antérieures sur des animaux, le médicament a favorisé la pousse de dents de « troisième génération », après les dents de lait, puis de dents d’adulte définitives.
« L’idée de faire pousser de nouvelles dents est le rêve de tout dentiste. Je travaille sur ce sujet depuis que je suis étudiant diplômé. J’étais certain de pouvoir y parvenir », a déclaré Katsu Takahashi, chercheur principal et chef du département de dentisterie et de chirurgie buccale de l’Institut de recherche médicale de l’hôpital Kitano, à Osaka.
On voit une nouvelle dent pousser chez une souris traitée avec le médicament pour la repousse des dents. (Photo fournie par Katsu Takahashi, chef du département de dentisterie et de chirurgie orale de l’Institut de recherche médicale de l’hôpital Kitano)
L’anodontie est une maladie congénitale qui entraîne la croissance d’un nombre de dents inférieur à la normale et qui touche environ 1 % de la population. On pense que des facteurs génétiques sont la cause principale du dixième des patients anodontiques qui n’ont pas six dents ou plus, une condition catégorisée comme oligodontie.
Ces conditions sont également connues sous le nom d’agénésie dentaire. Les personnes qui grandissent avec une agénésie dentaire ont du mal à maîtriser des capacités de base comme la mastication, la déglutition et l’élocution dès leur plus jeune âge, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur développement.
Après avoir obtenu son diplôme de dentiste, Katsu Takahashi a poursuivi des études supérieures en biologie moléculaire à l’université de Kyoto en 1991. Il a ensuite étudié aux États-Unis.
À cette époque, des recherches menées dans le monde entier ont commencé à mettre en évidence les gènes qui, lorsqu’ils sont supprimés, entraînent une diminution de la dentition chez les souris génétiquement modifiées. « Le nombre de dents varie en fonction de la mutation d’un seul gène. Si nous faisons de ce gène la cible de nos recherches, il devrait être possible de modifier le nombre de dents (des personnes) », a déclaré M. Takahashi à propos de ses réflexions de l’époque.
Une attention mondiale
C’est vers 2005, lorsqu’il a approfondi le sujet à l’université de Kyoto après son retour au Japon, qu’il a commencé à entrevoir une voie prometteuse pour la poursuite de ses recherches. Les chercheurs ont découvert que les souris dépourvues d’un certain gène avaient un plus grand nombre de dents. Il s’est avéré qu’une protéine appelée USAG-1, synthétisée par le gène, limitait la croissance des dents. En d’autres termes, le blocage de l’action de cette protéine pourrait permettre à davantage de dents de pousser.
Les dents de devant d’un furet traité avec un médicament pour la repousse des dents sont visibles sur une photo fournie par Katsu Takahashi, chef du département de dentisterie et de chirurgie buccale de l’Institut de recherche médicale de l’hôpital Kitano. Le médicament a provoqué la pousse d’une septième dent supplémentaire (au centre).
L’équipe de recherche de Takahashi s’est concentrée sur USAG-1 et a mis au point un anticorps neutralisant capable de bloquer la fonction de la protéine. Lors d’expériences menées en 2018, des souris présentant un nombre de dents congénitalement faible ont reçu un médicament qui a permis de faire pousser de nouvelles dents.
Les résultats de la recherche ont été publiés dans un article scientifique américain en 2021 et ont fait l’objet d’une grande attention, étant donné qu’il s’agissait des prémices du premier médicament au monde pour la régénération des dents.
Des travaux sont actuellement en cours pour que le médicament soit prêt à être utilisé chez l’homme. Une fois qu’il aura été confirmé qu’il n’a pas d’effets néfastes sur le corps humain, il sera destiné à traiter les enfants âgés de 2 à 6 ans qui présentent une anodontie. « Nous espérons ouvrir la voie à l’utilisation clinique du médicament », a déclaré M. Takahashi.
Un médicament qui pourrait changer la donne
En cas de succès, un médicament permettant de régénérer les dents pourrait changer la donne pour l’ensemble de la dentisterie.
Les animaux, y compris les requins et certaines espèces de reptiles, peuvent faire repousser leurs dents en permanence. On suppose que l’homme ne fait pousser que deux séries de dents au cours de sa vie, mais il est prouvé que nous avons également les « bourgeons » d’une troisième série de dents.
Environ 1 % de la population présente l’inverse de l’anodontie : l’hyperdontie, une affection congénitale qui se traduit par un nombre de dents supérieur à la normale. Selon les recherches de l’équipe de Takahashi, un cas sur trois se manifeste par la pousse d’une troisième dentition. Takahashi pense que dans la plupart des cas, la capacité de l’homme à faire pousser une troisième dentition s’est perdue avec le temps.
Lorsque les chercheurs ont appliqué le médicament à des furets, une septième dent de devant supplémentaire a poussé. Comme les nouvelles dents ont poussé entre les dents de devant existantes et qu’elles avaient la même forme, on pense que le médicament a induit la production d’une troisième série de dents chez les animaux.
Lorsque le traitement des dents n’est plus possible en raison de graves caries ou de l’érosion des alvéoles dentaires, connue sous le nom de pyorrhée, les gens perdent leurs dents et doivent recourir à des appareils dentaires tels que les prothèses. La possibilité de faire pousser des dents de troisième génération pourrait changer la donne. « Quoi qu’il en soit, nous espérons qu’un jour la médecine de la repousse des dents sera un troisième choix à côté des dentiers et des implants », a déclaré M. Takahashi.
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