La frustration grandit en Chine à mesure que les masques faciaux compromettent la reconnaissance faciale
La frustration grandit en Chine à mesure que les masques faciaux compromettent la reconnaissance faciale

Les masques sont obligatoires dans au moins deux provinces chinoises, dont la ville de Wuhan. Dans un effort pour contenir la souche de coronavirus qui a causé près de 500 décès, le gouvernement insiste pour que des millions d’habitants portent un masque de protection lorsqu’ils sortent en public.
Alors que des millions de personnes portent des masques dans tout le pays, les Chinois découvrent une conséquence inattendue au fait de se couvrir le visage. Il s’avère que les masques faciaux compromettent les fonctions de reconnaissance faciale, une technologie nécessaire pour de nombreuses transactions de routine en Chine. Soudain, certains téléphones portables, portes de copropriété et comptes bancaires ne se déverrouillent plus d’un seul coup d’œil.
Les plaintes sont nombreuses sur la populaire plateforme de blogs chinoise Weibo, rapporte Abacus, le site d’information technologique basé à Hong Kong. « [J’ai] porté un masque tous les jours récemment et je veux juste jeter ce téléphone à déverrouillage facial », déplore un utilisateur. « Le paiement par empreintes digitales est encore mieux », écrit un autre. « Tout ce que je veux, c’est payer et m’enfuir rapidement. »

La plupart des plaintes portent sur le déverrouillage des appareils mobiles. Apple a confirmé qu’une vue dégagée des yeux, du nez et de la bouche d’un utilisateur est nécessaire pour que la FaceID fonctionne correctement. De même, Huawei affirme que ses efforts pour développer une fonction qui reconnaît les visages partiellement couverts ont échoué. « Il y a trop peu de points de caractéristiques pour les yeux et la tête, il est donc impossible d’assurer la sécurité », explique le vice-président de Huawei, Bruce Lee, dans un post du 21 janvier sur Weibo, « nous avons renoncé au déverrouillage facial pour les utilisateurs portant un masque ou un foulard ».
Subversion des caméras de surveillance
La biométrie, y compris la reconnaissance faciale, est essentielle à la vie quotidienne en Chine, à une échelle qui dépasse celle des autres nations. Elle est utilisée pour tout, de la commande de repas rapides à la prise de rendez-vous médicaux en passant par l’embarquement dans un avion dans plus de 200 aéroports du pays. La reconnaissance faciale est même utilisée dans les toilettes pour éviter qu’un occupant ne prenne trop de papier toilette.
Et au-delà des transactions quotidiennes, cette technologie est un élément clé du plan du gouvernement chinois pour surveiller ses 1,4 milliard de citoyens. En décembre dernier, le gouvernement a adopté une nouvelle loi qui oblige toute personne enregistrant une nouvelle carte SIM de téléphone portable à se soumettre à un scan facial, dans l’intérêt déclaré de protéger « les droits et intérêts légitimes des citoyens dans le cyberespace », comme le dit le ministère chinois de l’industrie et de l’information. Cette technologie est également utilisée dans certaines écoles, où une caméra enregistre l’assiduité des élèves et peut offrir des prédictions sur leur comportement et leur niveau d’engagement.
Le gouvernement de Hong Kong a d’ailleurs tenté d’instaurer une « interdiction des masques » pour les manifestants qui participent à des rassemblements antigouvernementaux. L’anonymat offert par les masques chirurgicaux, les masques à gaz et les respirateurs a en quelque sorte encouragé la police et les manifestants à agir de manière agressive, sans crainte d’être pris en photo.
La technologie de reconnaissance faciale qui permet de « voir à travers » les déguisements existe déjà, mais elle est loin d’être parfaite. Des chercheurs de l’Université de Cambridge et de l’Institut national de technologie de l’Inde, par exemple, ont démontré une méthode qui permet d’identifier une personne portant un masque avec une précision d’environ 55 %. En 2018, Panasonic a lancé sur le marché un logiciel qui permet d’identifier les personnes portant un masque chirurgical si la caméra capture des images à un certain angle.

Malgré son adoption généralisée en Chine, il est ironique que la technologie de reconnaissance faciale en général se soit avérée moins fiable pour le traitement des visages non blancs, observe Jessica Helfand, auteur du nouveau livre Face : A Visual Odyssey. « Le fait que la surveillance soit de plus en plus défectueuse en ce qui concerne la reconnaissance faciale et les visages asiatiques est un paradoxe rendu encore plus bizarre par l’histoire des masques faciaux », déclare Jessica Helfand.
Une étude récente de l’Institut national américain des normes et de la technologie a révélé un préjugé racial dans les algorithmes vendus par Intel, Microsoft, Toshiba, Tencent et DiDi Chuxing. Elle a montré que les Afro-Américains, les Amérindiens et les Asiatiques avaient 10 à 100 fois plus de chances d’être mal identifiés que les sujets de race blanche.
https://qz.com/1796833/coronavirus-face-masks-foil-facial-recognition-cameras/