Des nerfs sur puce pour optimiser les neuroprothèses
Des nerfs sur puce pour optimiser les neuroprothèses
Des chercheurs de l’EPFL ont développé une plateforme électronique miniaturisée pour interagir avec des nerfs périphériques sur une puce. Cette technologie permet de moduler l’activité du nerf, et d’enregistrer rapidement et en haute résolution les réponses des neurones, ouvrant des opportunités pour l’optimisation sur puce de la conception de neuroprothèses.
Des implants qui redonnent les sensations du toucher à des personnes amputées, qui stimulent la moelle épinière pour faire remarcher des patients paralysés, ou qui inhibent les nerfs pour agir contre les douleurs chroniques : ces progrès sont possibles grâce aux neuroprothèses, des électrodes multi-contacts conçues pour moduler l’activité du système nerveux. Stimuler au bon moment et au bon endroit est essentiel pour implémenter des traitements efficaces ; enregistrer précisément avec un implant l’activité neuronale est un défi.
« Notre cerveau transmet et reçoit des millions d’informations. Or nous n’implantons qu’une dizaine d’électrodes chez une personne, explique Sandra Gribi, doctorante à la Chaire Fondation Bertarelli de technologie neuroprosthétique. Souvent, la résolution de l’interface ne correspond pas à la complexité des informations échangées dans notre système nerveux ».
Reproduire le fonctionnement d’une neuroprothèse et l’améliorer
Les scientifiques du Laboratoire de Stéphanie Lacour, Professeure à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur, ont donc développé une plateforme « nerve-on-a-chip », c’est-à-dire une « puce » composée d’électrodes et de microcanaux, sur laquelle l’activité des fibres nerveuses peut être stimulée et enregistrée, comme le ferait une neuroprothèses implantée. La puce permet d’interroger des explants de nerf qui conservent fidèlement l’architecture, la maturité et le fonctionnement du tissu in vivo.
En utilisant des fibres explantées de la moelle épinière de rat, les chercheurs ont pu ainsi tester de nombreuses stratégies pour stimuler ou inhiber l’activité neuronale. « Souvent, les expériences in vitro sont réalisées sur des réseaux de neurones en culture. Ces derniers ne reproduisent pas l’hétérogénéité, comme le diamètre ou la variété des neurones, du nerf in vivo et changent les propriétés des cellules. D’autre part, les réseaux d’électrodes extracellulaires appellés MEA – microelectrode arrays, permettent rarement d’enregistrer systématiquement l’activité d’une seule cellule dans une culture », indique Sandra Gribi.
La « puce » développée à l’EPFL est fabriquée en salle blanche en deux jours, elle permet d’enregistrer des centaines de réponses rapidement et en haute résolution, et, fait extrêmement rare, d’enregistrer chaque cellule séparément. Ces résultats sont publiés dans le journal Nature Communications.
Inhiber l’activité des certains neurones
Les chercheurs ont utilisé cette technologie pour tester une stratégie d’inhibition photothermique de l’activité neuronale. « Inhiber l’activité neuronale peut être une solution pour gérer les douleurs chroniques comme les douleurs fantômes qui apparaissent après amputation ou les douleurs neuropathiques » explique Stéphanie Lacour.
Les scientifiques ont déposé un matériau spécial – un semi-conducteur organique photothermique, le P3HT : PCBM, sur certaines des électrodes de la « puce ». « Sous l’effet de la lumière, le polymère chauffe. Nous avons pu mesurer une différence d’activité entre les différentes fibres du nerf explanté, en particulier celle des fibres les plus fines est bloquée. Nous avons pu détecter cette modulation d’activité grâce à la sensibilité accrue de nos électrodes », explique la doctorante. Or ces petites fibres sont des nocicepteurs, les neurones sont responsables de la douleur. L’étape suivante sera d’implémenter ce polymère dans un implant, placé autour du nerf et d’étudier son effet inhibant in vivo
Différencier les fibres motrices des fibres sensorielles dans un nerf
Les auteurs de l’étude ont également utilisé cette plateforme pour optimiser la géométrie et la position des électrodes d’enregistrement en vue de la réalisation d’un implant de régénération du nerf périphérique. Les mesures d’information neuronale complétées par un algorithme robuste de traitement de l’information permettent de déduire la vitesse et la direction de propagation de l’influx nerveux, donc de savoir si le signal est celui d’une fibre moteur ou sensorielle. « Ceci promet des implants bidirectionnels et sélectifs, et un contrôle plus naturel de membre artificiel comme une prothèse de main » suggère Stéphanie Lacour.
https://actu.epfl.ch/news/des-nerfs-sur-puce-pour-optimiser-les-neuroprothes/